vendredi 25 juin 2010

ARTS MARTIAUX & JUDICIAIRE: MEME COMBAT?


Vous pratiquez un art martial et vous vous êtes déjà demandé si vous risquiez des poursuites judiciaires civiles en cas de blessures causées à votre adversaire durant un combat ou hors du club?
- De même, vous vous interrogez sur la possibilité d’utiliser cette technique pour vous défendre, en dehors des combats et sur les conséquences pénales éventuelles d’un usage mal maîtrisé de la force?

Le principe de la responsabilité civile en cas de dommages causés à autrui : un aménagement pour la pratique sportive

1°) Le cadre général

La responsabilité civile, énoncée aux articles 1382 et suivants du Code civil, a pour objet de réparer les dommages causés à autrui par « tout fait quelconque de l’homme » qui serait imputable à une personne responsable directement ou indirectement.
La notion de faute est donc très largement comprise par le droit civil allant parfois jusqu’à une responsabilité quasi automatique.
En dehors du dojo, du club, le combattant est un homme ordinaire qui répondra de ses gestes comme les autres, sauf à ce que son statut ne règlemente encore l’usage de la force.
Le juge se montrera probablement plus exigeant envers une personne qui porte les signes extérieurs de la maîtrise : ceinture, brassard « sécurité » etc…

2°) Le cadre sportif

Dans le domaine des activités sportives, en se livrant en connaissance de cause à une activité génératrice d’aléas en particulier pour les incisives…, la notion d’acceptation des risques vient modérer l’application du droit de la responsabilité.
Par conséquent, la victime de coups portés, dans le cadre d’un combat à l’entrainement ou en compétition, ne peut, en principe pas engager la responsabilité de l’auteur des coups.
Cependant le combattant doit faire montre de maîtrise du geste, de discernement et de conscience.
Le non respect des règles particulières de la discipline (touche, assaut, semi contact, contact…) peut constituer un comportement fautif.
Il est important dans ce contexte de passer des visites médicales d’aptitude et de souscrire lorsqu’elle existe une police d’assurance qui viendra, le cas échéant soit indemniser le dommage subi, ou, a fortiori le dommage causé.
Tout cela est clairement indiqué dans le livret de la demande de licence des fédérations concernées.

3° Un même geste peut avoir des conséquences diverses

En manière de transition et à propos de l’impunité du geste, abordons la question de la réponse juridique à la violence.
Prenons l’exemple d’un atémi létal : dans un cas il n’aura que des conséquences civiles ou pas de conséquences, dans un autre il conduira son auteur devant un tribunal correctionnel, enfin dans une troisième hypothèse l’auteur sera jugé aux assises.
En effet, dans le cadre d’un combat ou d’un geste réflexe le coup mortel serait peut être considéré comme un accident.
Par ailleurs, la violence exercée sans intention criminelle peut relever d’une qualification délictuelle.
Par contre, une simple gifle donnée avec l’intention de tuer conduira son auteur devant un jury d’assises pour y répondre de son geste.

Réponse pénale à l’usage de la violence et notion de légitime défense

Ici les questions se bousculent et les premières réponses sont dans la conscience et le discernement du combattant.
Comment réagir face à une situation de danger pour soi-même, un parent, un ami… voire ses biens ?
Faut-il riposter et risquer de passer du statut d’agressé à celui d’agresseur ? Au contraire, faut-il rester passif, et prendre le risque d’être volé, violenté, ou pire encore, tué ?
Les questions abondent encore et parfois c’est un juge qui tranche !
Comment trouver l’équilibre entre la légitime défense, qui comme son nom l’indique est une réaction de « défense légitime », c'est-à-dire nécessaire, et justifiée par l’agression qu’il s’agit d’empêcher? Comment ne pas franchir la limite posée par la loi?
L’article 122-5 du Code pénal dispose : « N’est pas pénalement responsable la personne qui, devant une atteinte injustifiée envers elle-même ou autrui, accomplit, dans le même temps, un acte commandé par la nécessité de la légitime défense d’elle-même ou d’autrui, sauf s’il y a disproportion entre les moyens de défense employés et la gravité de l’atteinte ».
Si la légitime défense est retenue par le Juge, l’infraction ne sera pas punie.
Il faudra donc prouver que le geste a été posé dans un cadre justifié par une défense légitime et prouver ses affirmations…

1°) Les conditions relatives à l’agression

L’acte violent visé par le texte peut être justifié tant par des atteintes aux personnes (meurtre, viol…) que par des atteintes aux biens (vol, dégradation…).
Pour autant, la conscience du pratiquant d’un art martial est mise à l’épreuve car sa réaction doit aller à l’encore d’une vraie agression.
L’agression doit en effet présenter trois caractéristiques :

•Il faut que l’agression soit réelle : elle ne doit pas exister uniquement dans l’esprit de celui qui se sent agressé…
•L’agression doit être actuelle ou imminente : il n’est pas possible de se défendre contre une agression future ou passée, la légitime défense n’est pas conciliable avec la « prévention » ou la vengeance.
•Enfin l’agression combattue doit être injuste au sens juridique : pas question par exemple de l’opposer par la violence à l’usage d’une force légitime…

2°) Les conditions relatives à la défense

En principe, toute agression commise en défense ou pour préserver un intérêt légitime peut être justifiée, qu’il s’agisse d’un crime, d’un délit ou d’une contravention et qu’il s’agisse d’une atteinte aux biens ou aux personnes.
Cependant, certaines défenses ne sont pas justifiées pour prendre une formule, il ne faut pas « écraser une souris avec un rouleau compresseur ».
Dans l’action, l’esprit du combattant, forgé au dojo, doit être d’autant plus clair qu’il est avancé dans l’apprentissage de l’art.
C’est pourquoi, la défense doit être au bout du compte:
•Nécessaire : la personne agressée ne doit pas avoir d’autre moyen d’éviter l’agression que de commettre une infraction dans le cas qui nous intéresse, de faire usage de son art... martial !
•Proportionnée : il ne doit pas y avoir disproportion entre les moyens employés pour se défendre et l’agression qu’il faut prévenir.
Le plus difficile étant, à postériori, d’apprécier la justesse d’une réaction.
Dominique VALERA ajoute que la réaction ne doit pas normalement engendrer un crescendo, mais stopper ou contrôler la situation.

3° Prouver la légitime défense : pas toujours évident…

En principe c’est à la personne qui prétend avoir agi en état de légitime défense de le prouver : il faut démontrer au juge que les conditions de l’attaque et de la riposte sont réunies.
Il faut que le juge puisse imaginer les rapports de force engagés à l’instant de l’action.
Il existe deux situations dans lesquelles la légitime défense n’a pas normalement à être prouvée par celui qui se défend :

•L’habitant d’un lieu qui agit pour repousser l’entrée par effraction, violence ou ruse dans son espace de vie est normalement sensé se trouver en état de légitime défense lorsqu’il s’oppose.
•De même celui qui intervient pour se défendre contre les auteurs de vols ou de pillages exécutés avec violence est considéré avec une « certaine bienveillance ».

•Dans ces deux hypothèses, il reviendrait au Ministère Public épaulé par la partie civile de prouver qu’il n’a y a pas eu de légitime défense…Le droit pénal réagit donc à l’usage de la force, comme en matière de responsabilité civile, la réponse peut être modérée si l’usage de la force est raisonnable et légitime.

•« La raison qui maîtrise le geste… le discernement qui permet l’à propos » n’avez-vous pas entendu parler de cela dans votre salle ? Alors pourquoi être autrement en dehors du tapis?

•Il me semble que le pratiquant aguerri qui sortirait de l’éthique risque en plus de la décision de justice, une double, et peut être une triple sanction qui serait celles d’être mis à l’écart de son métier et hors du tatami par son club…

Porter une réponse juridique conforme à une application légitime de l’art martial, implique donc une maîtrise parfaite de soi comme une juste appréciation des situations. Pour conclure Dominique VALERA indique que les centimètres entre les deux oreilles sont les plus importants pour le discernement et l’analyse d’une situation conflictuelle.


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